Dans une formation professionnelle, l’apprentissage est central. L’acquisition de connaissances y est subordonnée. Apprendre, c’est nécessairement changer : on maîtrise une technique ou une habileté nouvelle, on acquiert une attitude différente dans une situation donnée, dans sa carrière en général, etc. On peut apprendre de plusieurs façons : par la pratique d’une technique ou d’une habileté, par l’observation des autres, par la réflexion sur ses expériences et celles des autres, ou par une réflexion plus générale sur la (sa) pratique, par une simulation modélisée ou une simulation mentale, etc. On dirige et on agit comme on est. Quand on apprend vraiment, on acquiert une technique ou une habileté nouvelle, on change d’attitude, etc. Il n’y a pas seulement changement de comportement; dans une certaine mesure, on se change soi-même. 

Les notes qui suivent sont des pistes de réflexions sur l’apprentissage
(scolaire et pratique) et, par conséquent, sur le changement.






L'apprentissage

Quelques définitions :

« Un changement dans les connaissances, les comportements, les attitudes, les valeurs, les priorités ou dans le processus de création qui peut se produire lorsqu'une personne interagit avec son environnement »  (P. A. McLagan, 1978).

« Une modification du comportement ou un changement de la façon dont une personne pense, ressent et agit »  (G.H.Bower et E. J. Hilgard, 1981).

« Un plaisir naturel... l'un des plaisirs essentiels de la race humaine »  (G. Highet, 1976). 

« Un changement relativement permanent dans notre capacité d'agir comme résultat de nos interactions passées avec notre environnement »  (R.B. Lovell, 1980). 

« L'apprentissage, c'est la transformation qui se produit dans le cerveau lors de l'intégration d'une nouvelle information ou de la maîtrise d'une nouvelle habileté »  (M. Ferguson, 1981). 

« Un changement qualitatif au niveau cognitif qui se traduit par un accroissement de l'adaptation de l'individu à son milieu »  (D. Lavault, 1983). 

« Théoriquement, l'apprentissage peut être considéré comme toute modification stable de comportement attribuable à l'expérience du sujet, en riposte aux injonctions de la situation environnante »  (J.P. Boutinet, 1986).

« C'est l'action par laquelle l'être humain acquiert de façon fortuite ou délibérée de nouvelles connaissances, de nouvelles capacités, de nouvelles attitudes, opérant ainsi en lui des changements porteurs de nouveaux comportements »  (A. Thibault, 1988). 

« Il y a eu apprentissage, lorsqu'on peut démontrer la présence de nouvelles compétences »  (F.C. Butler, 1985). 

« Apprendre, c'est se construire une explication du monde, et tenter d'y ajuster sa conduite »  (A. Paré, 1977).

« Acquisition d'une nouvelle conduite à la suite d'un entraînement particulier »  (Sillamy, 1980).

« Processus adaptatif grâce auquel l'individu fournit des réponses à certaines interactions »  (Sillamy, 1980). 

« Un changement relativement permanent qui survient chez celui qui apprend, à partir de son expérience »  (Dalceggio, 1991).
 
 

Quelques voies de l'apprentissage
(Apprentissage individuel et apprentissage social)

  • par expérience
  • par l'expérience des autres (par procuration)
  • par essais et erreurs
  • par conditionnement (occasions stimulantes, renforcements positifs et négatifs)
  • par observation
  • par imitation
  • par simulation (réelle ou imaginée)
  • par osmose (imprégnation)
  • par compréhension
  • par insight
  • par association
  • par hasard
  • par nécessité
  • par besoin
  • par...
Critères pour qu'il y ait apprentissage

Un changement

  • La personne est différente
  • Elle sait et elle sait faire différemment


Un changement qui vient de la pratique ou de l'expérience

  • Intégré à l'agir
  • Une connaissance pratique
Un changement durable
  • Convictions (croyances) modifiées
  • Preuves, résultats tangibles
  • Maîtrise et compétence
Shuell, 1986, d'après Dalceggio 1991.
 
 

Facteurs favorisants ou inhibants

Les fondements de notre personnalité

  • le désir de connaître, d'apprendre
  • le stress, l'angoisse personnels
  • les fantasmes sous-jacents à notre action
  • les croyances
  • les valeurs
  • les attitudes (réceptivité)
  • les obsessions, la détermination
  • les blocages affectifs
  • les besoins
  • les motivations
  • les intérêts
  • etc.
Les talents
  • la maturation physique, intellectuelle, affective
  • les aptitudes
  • la mémoire (par cœur, par travail, par habiletés techniques)
  • l'intelligence (capacité de comprendre)
  • la forme de pensée (convergente, divergente, etc.)
  • la capacité sensorielle (la saturation)
  • etc.


Le contexte et l'expérience

  • la liberté, l'autonomie, le contrôle personnel
  • les expériences et les pratiques personnelles reliées
  • les possibilités de reproduire, de répéter
  • les habiletés acquises
  • habileté à traiter l'information
  • habiletés à faire des transferts
  • les transferts positifs (personne, connaissances antérieures...)
  • l'engagement personnel (l'implication)
  • le feedback reçu (fréquence/qualité, gratifications)
  • les expériences pédagogiques passées (sécurisantes)
  • les perceptions qu'on a de l'environnement
  • les pressions extérieures
  • les connaissances qu'on a du sujet
  • etc.


Qu'est-ce qu'apprendre signifie pour la personne ?  Changer ?  Changer quoi ?
 Arrêter, écouter, regarder (James Joyce)
 

 Quelques principes généraux de l'apprentissage

  1. 1. L'apprentissage augmente de façon importante, quantitativement et qualitativement, lorsque les personnes sont actives plutôt que passives.
  2. 2. La pratique et l'expérimentation sont nécessaires à la majorité des apprentissages.
  3. 3. Le feed-back (le renforcement) constitue une condition essentielle pour celui qui apprend.
  4. 4. On améliore l'apprentissage lorsqu'on peut le diriger vers un but bien identifié.
  5. 5. Les connaissances et les habiletés pré-requises sont la base de l'acquisition des nouvelles connaissances.
  6. 6. Dans l'apprentissage, les aspects cognitifs et affectifs sont très étroitement liés. La confiance en soi, l'assurance qu'on peut apprendre sont tout aussi importants que l'intelligence.
  7. 7. Dans sa réalisation concrète, l'apprentissage est un processus qui varie beaucoup. Il n'existe pas qu'une seule façon d'apprendre. Cela dépend du tempérament, des circonstances, de l'âge, des besoins, des goûts et des ambitions de chacun.
Source : Dalceggio, 1991, p. 47.
 
 

Apprendre, connaître, découvrir, penser de façon autonome

« Les manuels et les leçons nous apportent les découvertes des autres et semblent nous offrir un raccourci dans la voie du savoir »  (Dewey)

« Tout ce que vous enseignez à un (étudiant), vous l'empêchez de le découvrir »  (Piaget)

« Chercher et barboter pour raisonner vraiment, car la vraie pensée ne naît jamais que d'erreurs surmontées »  (Alain, Propos sur l'éducation)

« Être pédagogue, ce n'est pas enseigner ce qu'on a appris ou ce qu'on sait. C'est faire découvrir à d'autres ce qu'ils savent déjà (ou ont déjà appris) ou ce qu'ils peuvent apprendre par eux-mêmes »  (L.L).

L'apprentissage est une activité éducative ; pas tant quelque chose qui nous arrive que quelque chose que l’on fait soi-même. L'apprentissage est à la fois l'activité éducative (l'action d'apprendre) et le résultat de cette activité (connaissances ou habiletés nouvelles acquises).

Ce document s’inspire grandement de Dalceggio, 1991.
 Bibliographie

ANDERSON, R.C.  Some Reflections on the Acquisition of Knowledge.  Educational Researcher, vol. 13, no 9, novembre 1984.
BANDURA, A.  L'apprentissage social, Paris, Mardaga, 1980.
BEARD, R.M.; BLIGH, D.  Research into Teaching Methods in Higher Education.  Society for Research into Higher Education Ltd., London, 1971, p. 19.
BERBAUM, J.  Apprentissage et formation.  Paris, Presses Universitaires de France (Que sais-je?), 1984.
BOWER, G.H.;  HILGARD, E.J.  Theories of learning.  5e Edition, New York, Prentice-Hall, 1981.
BRUNER, J.S.  Toward a Theory of Instruction.  W.W. Norton, New York, 1966.
BUTLER, F.COIT.  « The Teaching/Learning Process:  A Unified, Interactive Model (Part I-II-III) ».  Educational Technology, vol. 25, nos 9, 10, 11, septembre, octobre, novembre, 1985.
DALCEGGIO, P.  Qu'est-ce qu'apprendre?  (Collection « L'art d'enseigner », Université de Montréal, Service d'aide à l'enseignement, 1991.
GAGNÉ, R.  Les principes fondamentaux de l'apprentissage.  (Traduction de R. Brien et R. Paquin), Les éditions HRW, Montréal, 1976.
HIGHET, G.  The Immortal Profession:  The Joys of Teaching and Learning.  New York, Weybright and Talley, 1976.
INHELDER, B.; SINCLAIR, H.; BOSERT, M.  Apprentissage et structures de la connaissance.  Paris, P.U.F., 1974.
LABORIT H.  La nouvelle grille.  Robert Laffont, Paris, 1974, p. 281.
LOVELL, R.B.  Adult Learning.  London, Croom Helm, 1980.
PIAGET, J.  L'équilibration des structures cognitives.  Paris, P.U.F., 1975.
PIAGET, J.  Les mécanismes perceptifs.  Paris, Presses Universitaires de France (PUF), 1961.
PIAGET, J.  Réussir et comprendre.  Paris, P.U.F., 1974.
RAAHEIM, K.; WANKOWSKI, J.  Helping Students to Learn at University.  Sigma Forlag, Bergen, Norvège, 1981.
ROGERS, C.  Liberté pour apprendre?  Paris, Dunod, 1972.
SHUELL, T.J.  « Cognitive Conceptions on Learning ».  Review of Educational Research, hiver 1986, vol. 56, p. 411-436.
 

Laurent Lapierre, 1998-10-18
 



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