(version: janvier 98)
Cas rédigé par Jean Talbot, professeur au service de l'enseignement des technologies de l'information à l'École des Hautes Études Commerciales de Montréal. 

Ce cas est destiné à servir de canevas de discussion à caractère pédagogique et ne propose aucun jugement sur la situation administrative dont il traite. 

(c) École des HEC, 1998

En mars 97, CEDROM-SNi dévoilait la deuxième version de son service Eureka qui permettait d’accéder instantanément, à partir d’Internet, à plus d’un million d’articles provenant des principaux journaux et magazines québécois tels que La Presse, Le Devoir, Le Soleil, Le Droit, Les Affaires, Affaires Plus, Commerce, Gestion. Cette deuxième version représentait un progrès considérable par rapport à la première. L’interface avait été simplifiée et le service était maintenant beaucoup plus facile à utiliser. La direction de CEDROM-SNi était très satisfaite de cette nouvelle version cependant elle se posait encore des questions sur la clientèle qui devait être visée ainsi que sur la tarification du service. De plus, l’industrie de l’édition et de la diffusion d’actualités avait pris d’assaut le Web au cours des deux dernières années. La plupart des journaux et magazines avaient maintenant leur propre site et plusieurs services de webdiffusion avaient vu le jour. La direction  se demandait comment se positionner par rapport à ces nouveaux produits et services et quel serait l’avenir d’un service tel qu’Eureka dans cette industrie qui devenait de plus en plus compétitive.  
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CEDROM-SNi employait environ soixante-quinze personnes et faisait partie du Groupe Transcontinental G.T.C. La compagnie était spécialisée dans l’édition et la diffusion de grandes quantités d’information de façon électronique d'où le nom de la compagnie CEDROM-SNi, les architectes de l’information. Les clients de CEDROM-SNi pouvaient accéder à plus de 1000 banques d'information dans des domaines aussi variés que l’éducation, les affaires et la finance, l’actualité, les affaires juridiques, l’information gouvernementale et l’information de référence. Actualités Québec, Le Monde, The Globe & Mail, Actualité Affaires, Canadian BusinessDisc, Canadian NewsDisc, Info CRTC, Info SST, CD Sciences étaient parmi les cédérom les plus connus édités par CEDROM-SNi.  Ces titres étaient très complets; par exemple, le cédérom Actualité Québec 96 comprenait tous les articles publiés en 1996 par La Presse, Le Devoir, Le Soleil, Le Droit, L'actualité et Voir. Les cédérom étaient vendus principalement aux bibliothèques publiques et privées. Les clients payaient habituellement pour un abonnement annuel qui comprenait un ensemble de cédérom ainsi qu’une série de mises à jour.  

CEDROM-SNi avait aussi édité un certain nombre de titres grand public dont Inside Hockey et L'État du monde. 

L’expertise de CEDROM-SNI consistait à saisir l’information qu’elle recevait des producteurs de contenus puis à l’organiser, l’indexer et la présenter de façon à ce qu’un utilisateur puisse facilement et rapidement trouver l'information désirée. Pour ce faire CEDROM-SNi avait développé ses propres logiciels de gestion et de recherche d’information. Le logiciel de recherche intégré au cédérom de CEDROM-SNi offrait aux utilisateurs une interface conviviale qui leur permettait de faire des recherches par mot clé et d’accéder directement au texte intégral des articles trouvés; de copier, coller, annoter, exporter ou imprimer les textes d’origine; de créer et sauvegarder des requêtes utilisant simultanément plusieurs clés de recherche. 

Avec Eureka, CEDROM-SNi utilisait l’expertise qu’elle avait développée dans le monde des cédérom et l’appliquait maintenant à l’Internet. Le service avait été lancé le 8 novembre 95 devant près de 300 personnes réunies au Café Électronique sur la rue Saint-Sulpice à Montréal. CEDROM-SNi avait bénéficié d'une subvention de 620 000,00$ du Fonds de l'Autoroute de l'Information (FAI) qui avait été mis sur pied par le Gouvernement du Québec pour encourager le développement de l’autoroute de l’information au Québec. Le lancement avait été un franc succès.  La salle était pleine, la démonstration s'était déroulée sans pépin technique et les réactions des invités avaient été très positives.  

Eureka dans sa version actuelle permettait de  

  • lire gratuitement les manchettes quotidiennes de pratiquement tous les journaux québécois; 
  • faire de la recherche à partir de mots-clés dans les archives qui remontaient à 1985 pour certains journaux; 
  • lire le texte complet de la plupart des journaux dans la section kiosque à journaux; 
  • suivre l'actualité avec le service vigilance en choisissant un certain nombre de sujets parmi plus de 300 prédéterminés et de recevoir les résultats quotidiennement via courrier électronique et 
  • créer des revues de presse complètement personnalisées à l’aide du service SCOOP. 
L'annexe 1 présente quelques extraits d'un dépliant publicitaire sur Eureka produit par CEDROM-SNi. 

Afin que les clients potentiels comprennent mieux l'offre de service, l'on avait inclus dans la nouvelle version la possibilité d'essayer les différents services (cliquez ici).  

Avant la mise en place de Eureka, la clientèle de CEDROM-SNi était principalement composée de clients institutionnels et de professionnels de la gestion documentaire (bibliothécaires, documentalistes) dans des organismes privés et publics. Avec Eureka, l’on pensait être capable de rejoindre un public beaucoup plus large, plus particulièrement les gens d’affaires qui feraient eux-mêmes leurs recherches bibliographiques au lieu de les confier à un intermédiaire. Pour rejoindre cette clientèle, l'on avait donné au début des abonnements gratuits de trois mois pour faire connaître le service et l’on avait mis sur pied une campagne de publicité dans le journal Les Affaires. Malheureusement, l’expérience à ce niveau ne s'était pas avérée très concluante.  

Pierre Somarny écrivait dans un article intitulé "Comment faire du fric sur Internet?" dans l’édition du 1er novembre 96 de la revue Commerce :  

Offert d’abord gratuitement, dès novembre 95, Eureka s’est aussitôt attiré un très fort achalandage. Jusqu’à 15 inscriptions à l’heure, les premiers mois. Mais en février 96, le service devenait commercial et le nombre des inscriptions tombait à 300 à peine. Bien en deçà des prévisions. " Mais on n’avait pas de très fortes attentes, avoue Yves Daoust, vice-président au développement des affaires pour CEDROM-SNi . Aux États-Unis, les professionnels de l’information ont compris qu’il était rentable de payer pour avoir accès chez soi, en direct, à de l’information, même si elle est publique. Ici, les gens n’ont pas encore ce réflexe. Ils préfèrent souvent perdre des heures à chercher sur le réseau ou dans des bibliothèques plutôt que de payer. 
Après avoir constaté ces résultats, la compagnie changea de cap et redirigea de nouveau ses efforts de marketing vers les clients institutionnels en offrant une tarification plus appropriée à leurs besoins (voir tarification du service Eureka). Des forfaits à prix fixe étaient maintenant disponibles. Dans le même article, Yves Daoust continuait:  
à court terme, nous avons déjà tout un réseau de clients institutionnels ou de bibliothèques qui paient 2495 dollars par année pour notre service d’archivage sur cédéroms avec 12 mises à jour par année. Ces gens-là commencent à se brancher sur Internet. Ils sont prêts à payer le même montant pour un service en ligne qui serait mis à jour quotidiennement  
La clientèle institutionnelle avait réagi de façon positive à la nouvelle version et les abonnements au service se faisaient de plus en plus nombreux. Cependant, un certain nombre de questions préoccupaient encore la direction de CEDROM-SNi.  
  • Devait-on essayer de viser une clientèle grand public au lieu d'une de type institutionnelle? Est-ce que les gens d'affaire était prêt à payer pour ce genre de service? Pouvait-on augmenter les revenus avec un nombre plus grand de clients mais qui chacun contribuerait un montant d’argent plus faible? Comment allait-on vivre la transformation de la clientèle? Pouvait-on se permettre de diminuer suffisamment les prix pour attirer la nouvelle clientèle?
  • Quel était la meilleure politique de tarification? Devait-on avoir une tarification à l'usage ou des forfaits à prix fixe pour un nombre pré-déterminé ou à la limite illimité de consultations? Quelle était la valeur d'un article? 
  • Le modèle d'affaires était-il le bon? Les revenus d'Eureka provenaient principalement des abonnements au service. Cependant, très peu de services d'information sur le Web, à l'exception peut-être du Wall Street Journal, avaient adopté un modèle d'affaires uniquement basé sur des abonnements. Devait-on introduire la publicité? Était-il possible de renverser le modèle d'affaires i.e. que les fournisseurs de contenu paient CEDROM-SNi pour afficher leur contenu au lieu que ceux-ci aient à leur verser des redevances?
  • L’industrie de l'actualité sur Internet avait changé considérablement depuis novembre 95. La plupart des journaux, magazines et télédiffuseurs avaient maintenant leur site Web qui diffusaient des nouvelles de très haute qualité. Les sites américains étaient particulièrement exemplaires à cet égard. Il suffisait de jeter un coup d’œil aux sites de CNN, USA Today, Business Week, Fortune, Time, MSNBC, CNNSI pour réaliser l’ampleur des investissements qui avaient été faits. La plupart des télédiffuseurs et quotidiens québécois étaient aussi présents sur le Web même si leurs efforts étaient plus modestes (voir Radio Canada Nouvelles, TVA Actualités, Le Devoir, Le Soleil, Le Droit, The Gazette, Journal de Montréal, Voir, Mirror). On a même vu apparaître un quotidien uniquement électronique, Matinternet. De plus, un nouveau phénomème avait vu le jour: la webdiffusion. Avec cette nouvelle technologie, les nouvelles étaient envoyées automatiquement sur l’ordinateur de l’utilisateur sans qu’il ait à intervenir. Le pionnier dans ce domaine était Pointcast Network. Cependant d’autres produits avaient rapidement fait leur apparition sur le marché, entre autres Castanet de Marimba et Netcaster de Netscape.  Quelle était la valeur ajoutée d’un service comme Eureka dans cet environnement?  Comment CEDROM-SNi devait-elle se positionner par rapport à ces différents services d'information?

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Annnexe 1
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Extraits d'un dépliant publicitaire présentant EUREKA publié par CEDROM-SNi
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EUREKA, le principal serveur d'information francophone au pays, vous offre plus d'un million d'articles provenant des plus importantes sources québécoises. Il vous donne un accès direct à l'actualité et à l'information d'affaires des dernières années. Faisant appel aux derniers développements dans le domaine de l'inforoute, Eureka est aussi plus performant et plus convivial que les serveurs traditionnels. Il vous permettra de trouver rapidement l'information que vous cherchez.  

Des sources francophones exclusives  
Grâce à EUREKA, vous profitez d'un accès Internet continu aux plus importantes publications québécoises: La Presse, Le Devoir, Le Soleil, Le Droit, Le Quotidien (Chocoutimi), Progrès-dimanche (Chicoutimi), Les Affaires, Affaires Plus, Commerce, PME, L'Actualité, Voir, Gestion, etc. L'accès est offert 24 heures par jour, 7 jours par semaine. De plus, la mise à jour est faite de façon quotidienne - même la fin de semaine!  

Sautez sur l'occasion d'économiser  
Non seulement EUREKA vous offre-t-il une formidable capacité de recherche, mais il vous offre également des tarifs nettement avantageux par rapport aux services comparables sur le marché. Vous économisez à plus d'un chapitre. Tout d'abord, le coût de l'abonnement, de la recherche et des articles est hautement concurrentiel; ensuite, le logiciel vous aide à trouver une information très précise. Vous n'avez donc pas à payer pour des renseignements inutiles. Voici ce que vous offre EUREKA:  

  • une tarification adaptée à vos besoins;
  • aucun frais pour la recherche et l'affichage des «leads»;
  • aucun frais pour la consultation du même article lorsqu'elle est faite dans les 24 heures;
  • des frais établis seulement à partir des articles que vous consultez;
  • la possibilité de connaître rapidement et exactement les frais occasionnés par votre recherche.
Profitez de la puissance d'EUREKA  
La banque de données EUREKA peut être consultée à l'aide d'un fureteur Internet. Cendant, nous mettons à votre disposition un logiciel de recherche d'une grande puissance qui a été spécialement conçu pour répondre aux besoins des professionnels de la bibliothéconomie: le même qu'utilisent nos cédéroms. Pour l'obtenir, il suffit de demander une disquette ou de le télécharger via l'Internet.  
Grâce à ce logiciel de pointe exceptionnellement convivial, vous trouverez aisément, rapidement et à un coût hautement accessible l'information que vous cherchez. Il vous offre:  
  • des menus faciles à utiliser;
  • une interface bilingue;
  • le traitement des lettres accentuées;
  • jusqu'à 43 clés de recherche;
  • une interface graphique qui vous donne accès à des milliers de diagrammes, d'images et de tableaux;
  • la possibilité de créer et de sauvegarder des requêtes;
  • la possibilité de copier, de coller, d'annoter, d'exporter ou d'imprimer des textes;
  • la capacité d'intégrer facilement des documents à vos dossiers
En outre, vous pourrez faire appel aux nombreux services que nous offrons et dont l'objectif est de vous donner accès à une information toujours pertinente.  

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