Comme l'a proposé le philosophe Charles Taylor, notre époque est caractérisée par la grandeur et la misère : l'efficience de nos technologies, de nos organisations et de nos pratiques de gestion a permis des progrès gigantesques et un accroissement de la richesse dans de nombreux pays. Cette efficience a cependant engendré des problématiques majeures en termes de dignité humaine, de justice sociale, de conditions de travail, d'accès à l'emploi, de répartition des richesses, de risques technologiques et de viabilité écologique. Depuis 1998, année charnière, plus de 50% des cent plus grandes entités économiques du monde ne sont plus des nations, mais des entreprises privées. Considérant que les organisations et leurs modes de management ont des effets considérables sur notre monde humain et naturel, il est fondamental de développer une réflexion éthique d'envergure sur ces questions.

Cette réflexion, qui correspond à un besoin exprimé par de nombreuses personnes, est suscitée par de multiples raisons, dont la volonté d'actualiser des valeurs profondes au travail, la nécessité de découvrir de nouveaux repères dans un monde pluraliste et complexe ou la quête de sens face à l'accroissement de scandales et de crises. Ces raisons incluent de plus la nécessité stratégique de développer une légitimité et une bonne réputation corporative ainsi que de stimuler l'engagement des personnes, l'augmentation des impératifs de rentabilité dans des secteurs clés comme la santé ou les médias, ainsi que la croissance de la globalisation qui multiplie les échanges entre des peuples de différentes cultures, valeurs et religions.

En réponse à cette demande, les objectifs de la chaire sont de produire des connaissances scientifiques de haut niveau en puisant aux fondements éthiques et en les appliquant aux réalités managériales et organisationnelles; transférer ces connaissances aux personnes impliquées dans les activités des organisations privées, publiques, associatives, gouvernementales et non-gouvernementales; et développer des programmes d'éducation et de formation destinés aux leaders, aux gestionnaires et aux employés des organisations, ainsi qu'aux personnes et aux diverses entités qui sont parties prenantes et/ou affectées par les activités organisationnelles. S'adressant à des publics divers, la diffusion des activités de la chaire est diversifiée : séminaires, conférences, mémoires et thèses universitaires, publication d'articles et d'ouvrages scientifiques ou de vulgarisation, rapports d'expertise, observatoire international, "newsletter", logiciels et outils heuristiques, vidéos, cédéroms, site Internet, interventions organisationnelles et médiatiques, cercles de dialogue, développement de réseaux de communautés d'intérêt, etc. Dépassant les considérations dites "politiquement correctes", les travaux de la chaire sont résolument multidisciplinaires et fondés sur une vue intégrale, allant ainsi au delà de "l'éthique des affaires". Ces travaux mènent à l'établissement de théories et de pratiques innovatrices dans toutes les dimensions managériales (communication, comptabilité, développement organisationnel, droit, entrepreneurship, finance, innovation, leadership, marketing, production, ressources humaines, santé et sécurité, stratégie, technologies de l'information, etc.) et dans les quatre domaines inter-reliés de l'éthique organisationnelle : la répartition équitable des richesses et de la performance globale des organisations (éthique économique et du profit, équité et justice sociale); la contribution des organisations au développement sain des personnes, des collectivités et des sociétés (déontologie professionnelle, droits de la personne et des minorités, dialogue démocratique, éthique légale, gouvernementale et sociale); la liberté de conscience des individus et l'évolution de leurs aspirations profondes au travail (éthique existentielle et/ou spirituelle, passion, compassion et esprit de service, degré de complexité du discernement moral); et la contribution des activités organisationnelles à la santé physique des personnes et de l'environnement naturel (bioéthique, éthique médicale, écophilosophie et éthique environnementale).