Patron de Renault: Pierre Lefaucheux (1944-1955)
A la fois livre d’histoire, respectant la méthode historique (et publié dans la section Académique-Histoire des Presses de Sciences-Po) et livre de management (issu d’une thèse de Management, prix de thèse d’HEC Paris), il s’agit d’un bon exemple de l’intérêt que peut présenter l’histoire comme approche et méthode, pour éclairer des phénomènes de management et en nourrir la recherche.
Ce livre aurait pu être la biographie classique d’un dirigeant. Pierre Lefaucheux, ingénieur et titulaire d’un doctorat d’économie, héros de la Résistance, est nommé en 1944 à la tête de Renault, la plus grande entreprise française (du secteur concurrentiel) possédant le plus gros site industriel du pays (l’usine de Billancourt – près de 30 000 personnes).
Ce livre s’est plutôt proposé d’étudier un dirigeant en action, sur trois des grands chantiers dont il a eu la charge: les questions industrielles (avec notamment le choix des modèles de voiture), les questions financières (comment financer une expansion exceptionnelle lorsque son actionnaire n’a pas d’argent) et les questions sociales (comment mener une politique de salaires hardie lorsque l’on est considéré comme le baromètre social de tout un pays).
L’extraordinaire richesse des archives laissées par Pierre Lefaucheux permettent en effet de suivre, parfois pas à pas, parfois au jour le jour, l’évolution de son action, mais surtout de ses intentions et ses perceptions tout au long de la décennie où il a présidé au destin de cette très grande entreprise.
Présentation du livre
50 000 pages de document, les comptes rendus complets de toutes les réunions qu’il a présidées, plusieurs notes personnelles, sa correspondance confidentielle avec les ministres… voici les perspectives que peut ouvrir l’histoire au chercheur en management, notamment lorsqu’il travaille sur des dirigeants dont les décisions sont bien souvent trop confidentielles pour être laissées à la vue d’un observateur extérieur.
Au-delà des nombreuses thèses qui portent sur l’histoire proprement dite de Renault et qui ont renouvelé certaines conceptions qui prévalaient chez les historiens, ce livre est aussi un étonnant voyage dans la tête, et aussi dans le coeur, d’un dirigeant, qui dévoile, malgré un cheminement qui ne ressemble en rien à l’exécution d’un plan, certaines convictions qui servent d’aiguillon à l’ensemble de son action.
On y voit aussi un dirigeant qui hésite, qui commet des erreurs, qui regrette certaines de ses décisions, qui revient en arrière même et qui, pourtant, a conduit son entreprise au sommet de l’industrie automobile européenne, en partant d’un champ de ruines.
Les Presses de Sciences Po, 2009
