HEC Montréal

Mission et objectifs principaux de la Chaire

Le secteur de la santé, tant au Québec que dans le reste du Canada est en continuelle évolution et on y remarque d’importantes transformations, tant au niveau de sa structure, que dans la façon dont les soins sont dispensés. De nombreuses innovations médicales, telle la miniaturisation des techniques chirurgicales, introduisent de nouvelles formes de traitement favorisant l’ambulatoire à l’hospitalisation. Ainsi, ce que nous appelons communément le virage ambulatoire entraîne une réforme et une modernisation majeures de nos modèles traditionnels d’organisation des soins de santé. Les épisodes de soins peuvent désormais être écourtés et tronqués en sous-épisodes offerts à des moments différents et en plusieurs points de services comprenant l’urgence, la clinique externe, la clinique médicale et le CLSC. Les patients reviennent à plusieurs occasions et passent alors sous la responsabilité d’équipes de soins différentes provenant de diverses organisations retenues pour leur structure d’interventions et de coûts financiers mieux adaptée à la gravité et la nature des cas traités. Cette délocalisation de l’offre de soins est poussée à l’extrême lorsque les patients reçoivent leurs soins à leur propre domicile. Dans certaines circonstances, le patient est responsabilisé et doit lui-même se prodiguer ses propres soins et communiquer à intervalles réguliers son état de santé à un ou plusieurs professionnels du réseau.

La tendance qui se dessine depuis quelques années consiste en fait à mettre en place divers modes d’organisation de l’offre de soins qui prennent appui sur les récents développements technologiques. Ces nouvelles formes organisationnelles impliquent une gestion intensive et souvent partagée des informations cliniques dans la mesure où, par exemple, un patient doit effectuer, à des moments différents, plusieurs visites à un même point de service ou en des points différents. Dans l’univers actuel du dossier médical papier, le poids de cette gestion intensive de l’information clinique représente un lourd fardeau pour les professionnels de la santé en matière de retranscription, d’accès et de recherche d’informations qui sont dispersées en maints endroits.

Pour diverses raisons notamment financières, l’industrie de la santé accuse un retard dans le domaine des technologies de l’information et, par conséquent, a été relativement peu touchée par la révolution des nouvelles technologies qui a transformé radicalement tant de secteurs industriels, pensons notamment aux industries aéronautique et bancaire. L’essentiel des systèmes d’information qu’utilisent les professionnels pour dispenser des soins repose encore aujourd’hui en grande partie sur des systèmes d’information papier, le principal demeurant le dossier médical. Cependant, la situation change rapidement et les dépenses prévues dans le secteur médical croîtront de façon significative au Canada pendant les prochaines années. Dans le budget 2003, le Ministère des finances du Canada accordait des fonds supplémentaires de 600 millions de dollars à Inforoute Santé du Canada afin d’accélérer la mise au point du dossier patient électronique et l’élaboration de normes communes partout au pays ainsi que le développement plus poussé d’applications de télésanté qui sont essentielles aux soins prodigués dans les régions rurales et éloignées.

Plusieurs initiatives sont actuellement mises de l’avant pour mettre à profit le potentiel des technologies afin d’améliorer l’accès et l’échange de l’information clinique essentielle à la coordination et la continuité des soins entre les divers établissements de santé impliqués. Dans cette perspective, nous assistons à une multitude d’expériences pilotes faisant la promotion de diverses solutions technologiques tel le dossier patient partageable, la télé-psychiatrie, la télé-surveillance à domicile et la carte santé à microprocesseur. Le potentiel de ces technologies s’exerce principalement au niveau du transfert à distance des données électroniques sur des réseaux de télécommunications à haut débit communicationnel, tel le RTSS au Québec, de manière à mettre en place des réseaux de soins intégrés qui permettent aux professionnels de la santé de communiquer entre eux à distance et de renforcer l’expertise ainsi accessible aux patients. La diffusion de ces technologies favorisent donc l’émergence de modèles organisationnels virtuels aptes à coordonner auprès d’un même patient une offre de soins continus et intégrés provenant de partenaires différents.

De façon plus spécifique, la télésanté, qui permet notamment l’exercice de la télémédecine, c’est-à-dire la consultation, le traitement clinique et le suivi des patients à distance, permet à des équipes médicales distantes d’échanger de l’information clinique et d’ainsi coordonner leurs interventions auprès d’un même patient. Un tel dispositif peut également permettre de mieux desservir les régions éloignées et d’améliorer l’accessibilité aux soins médicaux secondaires et tertiaires tout en offrant une diminution des coûts entraînée par la baisse des transferts de patients. Dans le contexte québécois et canadien d’étalement des populations et de répartition déficiente des professionnels de la santé, la télésanté offre une solution théoriquement intéressante à plusieurs des problèmes contemporains de reconfiguration du système de soins. En même temps, la télésanté marque une rupture importante des modes usuels d’échanges entre médecins. Elle implique notamment une transformation des modes traditionnels de coordination de la pratique médicale.

Outre la télésanté, de nombreuses autres expériences novatrices d’intégration des soins ont déjà eu lieu et d’autres ont présentement cours un peu partout au Québec. Le cœur de ces projets consiste en le développement d’un dossier patient partageable qui se présente sous format électronique. La solution informatisée vise à surmonter les contraintes usuelles associées au dossier papier et à capturer le potentiel de données électroniques en matière de gestion et de communication de l’information. Ainsi, grâce à des réseaux de télécommunications puissants tel le RTSS, l’échange de données peut être réalisé sans contraintes de distance.

En résumé, les nouveaux modes d’organisation des soins de santé offrent des leviers importants de transformation et d’amélioration de notre réseau de santé. Mais, en même temps, ils représentent des défis majeurs compte tenu de l’ampleur et de la complexité des restructurations organisationnelles requises d’autant que ces transformations concernent le cœur des organisations de santé, soit la production des soins. Cette complexité émerge en grande partie du fait que les technologies de l’information ne se limitent pas à de simples dispositifs techniques. En effet, les technologies mentionnées précédemment englobent également les connaissances, les normes, les valeurs et les façons de faire qui façonnent la pratique clinique. Ces technologies entraînent, lors de leur introduction, des changements organisationnels qui vont bien au-delà de la simple amélioration des systèmes d’information existants. Elles sont appelées à jouer des rôles supplémentaires telle la communication et la coordination et s’insèrent ainsi dans les pratiques médicales pour former des systèmes socio-techniques complexes formés de composantes techniques et humaines interdépendantes.

En ce sens, la transformation de l’offre de soins aux patients et du réseau de la santé dans son ensemble représente, en ce début de millénaire, une problématique réelle et importante pour les gestionnaires et les cliniciens de notre réseau de santé ainsi qu’un champ d’étude fort pertinent et intéressant pour la communauté scientifique. Dans ce contexte, les technologies constituent un levier majeur dans la réalisation et la mise en place d’un vrai réseau de soins intégré. Dans cet esprit, les travaux de la Chaire viseront trois objectifs principaux, soit :

  • Mieux comprendre le rôle de levier que jouent les technologies de l'information dans le développement et la mise en place des nouveaux modes d'organisation des soins de santé;

  • Identifier et mesurer les effets cliniques, structurels et financiers associés à la mise en place de TI en émergence dont le dossier patient électronique, la télésurveillance à domicile, la radiologie numérique et bien d'autres.

  • Enfin, étudier les principaux enjeux et risques, tant humains, organisationnels que technologiques associés à cet important virage numérique.

Ainsi, les connaissances développées dans le cadre des divers projets de recherche qui seront entrepris au sein de la Chaire permettront d’assurer l’implantation réussie de technologies nécessaires à la réalisation de plusieurs des priorités mises de l’avant par les présentes réformes québécoises et canadiennes, notamment en matière de services à domicile, de première ligne et des réseaux de soins intégrés.